Lettre close de Charles VIII adressée à la ville de Bourges 
, qui informe la ville des ambitions du duc d'Orléans et du comte de Dunois, ordonne de lui faire parvenir tout courrier adressé par ceux-ci, et annonce la venue de Jean de Lestang pour traiter avec les échevins de cette révolte.
De par le roy.
Chiers et bien amez, nous avons receu lettres de nostre très cher et très amé frere et cousin le duc d'Orléans dont nous vous envoions le double ensemble d'unes autres lettres que nostre très cher et très amé oncle et cousin le conte de Dunois nous a escriptes, lesquelles nous semblent fort estranges, veu que le contenu d'icelles sont toutes choses controuvees, en quoy oncques ne fut pensé et qui ont esté suggerrees a nostredit frere contre vérité. Et pour ce que par icelles il semble que nostredit frere et cousin se soit laissé seduire pour prendre couleur de exciter quelque trouble ou division en nostre royaume, dont maulx et inconveniens irreparables s'ensuivroient, nous avons bien voulu escripre a vous et plusieurs autres de noz bons et loyaulx subgetz pour vous en advertir et afin que chacun saiche que nostredit frere et cousin d'Orléans n'a quelque cause ou occasion de ce faire, car, des le commancement de nostre advenement a la couronne et depuis, nous l'avons traicté le plus très favorablement et en grant amour que faire pourrions, lui avons fait communiquer tous noz affaires et en tous noz conseilz l'avons fait presider sur tous les autres seigneurs et princes de nostre sang ; maiz ce non obstant, nostredit frere et cousin, trois mois a ou environ, s'est eslongné de nous et, combien que par plusieurs foiz lui avons escript et envoié devers lui des plus privez et especiaulx serviteurs pour lui prier qu'il voulsist venir et nous aider et servir a la conduicte de nosdites affaires, ce neamoins il n'y est point venu, dont avons esté et sommes très deplaisans. Et pour ce qu'avons sceu que nostredit frere et cousin le duc d'Orléans a escript en plusieurs et divers lieux de nostre royaume touchant la matiere des lettres dont dessus est faicte mencion, et que par avanture, par séduction d'autres ou autrement, il vouldroit entreprendre des choses sans nostre commandement et auctorité, nous vous prions et neamoins mandons que, se doresenavant il vous escript quelques lettres ou vous mande quelque chose, vous nous en advertissez incontinent, et avecques ce vous deffendons très expressement et surtout que craignez nous désobéir et desplaire que quelque mandement qu'il vous face, soit d'aler devers lui ou d'assembler gens en armes ou autrement, vous ne obeissez a luy ne a autres quelzconques sans expres mandement et nouvelles lettres patentes de nous. Et afin que soiez mieulx acertenez de l'estât et disposicion en quoy nous sommes et de l'obeissance que nous font ceulx qui sont alentour de nous, nous vous prions derechef et néanmoins mandons que vous envoiez par devers nous aucun notable homme d'entre vous, seur et feable, pour en veoir et rapporter la vérité et tousjours vous conduisez et gouvernez comme noz bons, vrays et loyaulx subgetz, en ayant le regard seul a nous comme a vostre roy et souverain seigneur, ainsi que nous y avons parfaicte et entiere confiance. Et que avons chargé a nostre cher et bien amé Jehan de Lestang, escuier et du nombre des cent gentilzhommes de nostre hostel, lequel expressement nous envoions devers vous pour ceste cause vous dire plus au long. Donné a Montargis , le XXIe jour de janvier[1485(1)].
[Signé] CHARLES.
Damont
.(2)[Au dos] A noz chers et biens amez les bourgeoys, manans et habitans de nostre ville de Bourges
(3).Notes :
(1) Datée d'après lune lettre proche édité dans Lettres de Charles VIII..., t. I, pp. 56-58 (lettre adressée aux habitants de Chalon). — (2) Jean Damont, notaire et secrétaire très actif sous Charles VIII, mentionné dès 1484. — (3) Lettre accompagnée de la réponse faite par le roi au duc d'Orléans, donnée à Montargis le 20 janvier.
