[Analyse enrichie] Fondation dans l’église Saint-Saturnin de Tours , 15 janvier 1492
[Dans la marge, liste des destinataires des grosses et copies établies par le notaire : la fabrique, la veuve Havenart, et une copie pour lad. veuve, qui lui a été baillée signée, ainsi qu’une autre copie signée baillée au vicaire, pour la cure de Saint-Saturnin.]
Jeanne Gilberde, veuve de Hance Havenart, pour le salut de son âme et de celles de son son mari, de son père et de sa mère, Marie Dreux, de ses autres parents et amis, vivants et trépassés, entend que messieurs les procureurs de la fabrique de l’église paroissiale de Saint-Saturnin de Tours fassent dire et célébrer dorénavant au grand autel de lad. église cinq services aux cinq fêtes de Notre-Dame, à savoir : N.-D. de la Chandeleur, N.-D. de mars, N.-D. de N.-D. de mi-août, N.-D. de septembre, N.-D. des avents de Noël ; consistant, à chacune desd. fêtes, en vigiles des morts, messe du Saint-Esprit, messe de N.-D., et une messe de Requiem, lesd. messes à note, à diacre, sous-diacre et chape ; lesd. procureurs fabriciers devront fournir pour la célébration de chacune desdites messes : 2 cierges d’une demi-livre de cire chacun, « ardans sur led. autel durant icelles messes. »
Pour cette fondation perpétuelle, Jeanne Gilberde a décidé de donner certaines rentes et certains de ses biens à ladite fabrique ; c’est dans ces circonstances que les paroissiens, manants et habitants de lad. paroisse, pour l’utilité et profit de lad. église, ont demandé à lad. veuve de bien vouloir leur céder « ung petit coing ou place » lui appartenant qui se trouve au bout de la ruelle et jouxte le presbytère de l’église Saint-Saturnin, contenant 5 pieds ou environ, à prendre depuis le coin du mur du presbytère « jusques au coing du paliz de son jardin » et 2 toises 4 pieds ou environ « tirant depuis le coing du mur dud. presbitaire en biays jusques au coing du mur de sa vieille maison », afin que la procession de lad. église et les charrettes qui amènent « les pierres, chaulx et sable et autres choses nectessaires pour la rediffication de lad. eglise qu’on fait de present y peussent mieulx et plus aisement et plus facillement passer et que, en ce faisant, lesd. paroissiens seroient contens de prendre icelui petit coing pour l’acroissance de lad. place » comme l’un des biens que lad. veuve offrirait à la fabrique pour sa fondation. Ce à quoi lad. veuve a donné son accord, « par ainsi que [i.e. à condition que] lesd. parroissiens lui actordassent les pactions et convenances dont cy après sera fait mencion. »
Attendu ce que dessus, ce jour, devant les notaires soussignés sont comparus en personnes, lad. Jeanne Gilleberde d’une part et d’autre part honorables hommes Thomas de Saint-Paoul, Jean Hulot et Martin Lizion, actuels procureurs fabriciers de Saint-Saturnin, maître Jean Lopin, maître Jean Benard, notaire et secrétaire du roi, Jean Thevenyn, contrôleur du grenier à sel, Étienne Ragueneau, élu sur le fait des aides à Tours , Guillemin Baudet, Michel Retaillau, Robin Bernier, Pierre Berthelot, Pierre Crosnyer, maître Daniel Émery, Jean Papillon, Jean Bonarme, Pierre Durant, Jean Garnier l’aîné, Jean Garnier le jeune, Guillaume Seguyn, Jean Deberry, Benardon Dupuy, Guillemin de Montbazon, Colas Brisebarre, Jean Lebrun, Jaquet Brethe, Antoine de Beaune, Guillaume Mesnaigier, Vitor Blondelet, Yvon Lopin, Michel Poisson, Thierry Genart, Jean Thuyer, Jean Cartier, Naudin Mauger, Jean Marchal, Pierre Croyn, Jean Degergot, Jean Letondeur et Pierre Cohier, tous paroissiens de Saint-Saturnin et représentants de lad. paroisse, se soumettant etc. à la juridiction de lad. cour, lesquels, « d’un commun accord et assentement » et notamment les procureurs et habitants pour le bien et utilité de lad. église, font entre eux l’accord qui s’ensuit : à savoir que lad. Jeanne Gilberde, veuve de Hance Havenot, pour demeurer, elle etc. participants « es prieres et bienfaiz qui se feront en lad. eglise et aussi pour la fondation desd. cinq services » en la présence de lad. Marie Dreux, sa mère, femme de Pierre Beaudieu, et veuve de feu Gilbert Jehan cède auxd. paroissiens de Saint-Saturnin la portion de son jardin décrite ci-dessus ainsi qu’une rente annuelle de 7 l.t. qui lui est due (saint Jean-Baptiste et Noël par moitié) à la raison de « marc d’argent valant 7 livres 10 solz t. a la Monnoye », par Colas Brisebarre, Guillemin Lambert et Mathurin Babault à cause de leurs maisons sises rue Traversaine, au fief de Saint-Julien, maisons « respondant sur le carroy qui est devant l’abbaye », joignant d’un côté à la maison de Jaquet de Beaune qui sert d’étables et à la maison qui a appartenu à feu Rajolleau, d’un bout derrière à la maison dud. feu Rajolleau, d’autre côté à la rue Traversaine et donnant sur la place située devant l’abbaye Saint-Julien ; maisons qui furent autrefois baillées moyennant lad. rente à feu Jaquet Brisebarre, père dud. Colas, à la charge d’acquitter chaque année par lesd. procureurs fabriciers 8 s. 6 d.t. de devoir à l’aumônier de Saint-Julien. Moyennant quoi, lesd. procureurs et paroissiens s’engagent à faire célébrer lesd. cinq services au grand autel de lad. église Saint-Saturnin aux cinq fêtes de Notre-Dame comme dessus et à verser, sur les 7 livres de rente, 8 s. 6 d.t. à l’aumônier de Saint-Julien. Le reste sera distribué comme suit : 22 s. 6 d.t. pour chacun de 5 services, soit, pour chacune desd. grandes messes 3 s. 4 d.t. pour chaque diacre, sous-diacre et chape 10 d.t. ; pour chaque vigile 5 s., soit au total 112 s. 6 d.t. et le surplus demeurera à lad. fabrique pour la fourniture des cierges. Les paroissiens seront tenus de faire faire la prière lors de chacune desd. messes pour lesd. feus Gilbert Jehan, Hance Havenart et leurs femmes après leur décès, devant le lavabo et, à la fin de chacune d’elles dire un Subvenite avec les oraisons accoutumées sur les fosses des défunts et de faire savoir aux héritiers de lad. veuve demeurant dans cette paroisse, l’heure à laquelle se fera chacun des cinq services.
En outre, pour augmenter la fondation d’une messe de Notre-Dame qui a été fondée chaque samedi dans lad. église Saint-Saturnin par elle, sesd. feu mari et mère, lad. Gilberde transporte une rente de 100 s.t. à prendre en priorité sur 10 l. t. de rente par elle et sond. feu mari acquis sur Guichart de Montpencier, orfèvre, et sa femme, auparavant femme de feu Hacquyn Lecoustre, assignée sur la maison où demeure led. couple, Grand-Rue, paroisse Saint-Saturnin, fief de Saint-Julien, joignant d’une part à la maison de Jean Garnier le jeune, qui appartenait à Émery Baudet, d’autre part à la maison de feu Bertrand Rousseau, par devant au pavé de la Grand-Rue. Desquelles rentes lad. veuve s’est dessaisie et en a vêtu la fabrique, en retenant l’usufruit, en faisant dire lesd. services sa vie seulement ; lad. veuve a consenti qu’après son décès lesd. rentes soient payées aux paroissiens et qu’alors les titres de propriété concernant ces rentes et les autres liées aux fondations précédentes et qu’elle pourra avoir en sa possession, leur soient délivrés par ses exécuteurs testamentaires si elle ne l’avait fait de son vivant, ce à quoi elle oblige etc.
Et, au regard « d’une cheruble [chasuble], une chape diacre et soubzdiacre, le tout de damas blanc, et un calisse [calice] de deux mars [marcs] d’argent » que lad. veuve et son mari ont donnés autrefois à lad. fabrique et promis délivrer à lad. fabrique pour une meilleure célébration de la messe de Notre-Dame fondée chaque samedi, ainsi qu’il apparaît de manière plus détaillée par les lettres de fondation, led. Lizion, comme procureur de la fabrique, après les avoir reçus de lad. veuve, ainsi qu’une petite paix d’argent où il y a « ung ymage du Creucefix, de Nostre Dame et de sainct Jehan, faiz de coquilles de perles » pesant 2 onces ou environ, dont il lui a donné quittance et, ce fait, les a rendus à lad. veuve pour faire dire led. service sa vie durant. La partie du jardin cédée par Jeanne Gilberde à la paroisse a été garantie par la cédante, en s’obligeant elle-même et ses hoirs avec tous leurs biens, et les procureurs fabriciers, ceux de la fabrique de Saint-Saturnin.
Fait et passé à Tours le 15 janvier 1491/92 n.s.

N O T E S Une copie contemporaine de cet acte figure dans la liasse (G.1023) des Archives Départementales d'Indre-et-Loire [Fabrique de l'église Saint-Saturnin de Tours ].
Dans la mesure où sa fille se nomme Jehanne Gilberde, forme féminine de Gilbert, il est très probable que « Gilbert Jehan » donné par la minute doit se lire dans l’ordre inverse.
C’est d’ailleurs l’entrée retenue par Giraudet, Artistes tourangeaux p. 203 et s. : Gillebert, Gilbert (Jehan) « maître orfèvre du roi Charles VII à Tours . Les comptes de l’argenterie et des menus plaisirs du règne de ce roi, pleins de révélations curieuses et instructives sur l’histoire des beaux-arts et des arts industriels dans notre pays, renferment plusieurs mentions relatives à Gilbert, qualifié de premier orfèvre du roi.
En 1446 cet artiste était arrivé à une position de fortune assez élevée pour lui permettre de faire reconstruire à ses frais, une chapelle consacrée à saint Éloi, le patron de sa confrérie. La consécration de ce petit monument qui existe encore, mais dénaturé, eut lieu le 21 décembre 1446, en présence de l’archevêque de Tours .
On trouve dans les comptes et les délibérations de l’hôtel de ville, plusieurs autres renseignements intéressants :
– dans sa séance du 6 septembre 1449 les élus communiquent à l’assemblée deux lettres écrites par Jehan à son beau-père Colas Dreux, procureur du roi au bailliage de Touraine, où il les informait qu’il était venu à la connaissance du roi que « Tours était mal gardée, autant de jour que de nuit »
– au mois de septembre 1461 [Registre des délibérations municipales t. X], les élus ayant adopté la résolution d’offrir une nef ou nauf à la nouvelle reine de France , Charlotte de Savoie, lorsqu’elle ferait son entrée solennelle à Tours , on décida avec Jehan Gillebert que cette nef serait d’argent doré, bien ouvré aux armes de la reine et que la ville accorderait un écu d’or par marc d’argent ouvré, pour la façon. Malheureusement, ce magnifique cadeau d’une valeur de plus de 500 livres tournois (plus de 12000 francs de notre monnaie or, en 1885] n’ayant pu être achevé le 27 novembre, jour de l’entrée solennelle de la reine, les élus durent attendre jusqu’au 20 décembre suivant avant d’entrer en possession de cette pièce d’orfèvrerie, pour laquelle ils avaient fait faire un étui ou gaine qui coûta plus de 250 francs. Malgré ces précautions, la fragilité de l’œuvre d’art créée par Gillebert était telle qu’on dut employer un bateau pour conduire à Amboise ce présent offert à la reine, le premier jour de l’an (jour de Noël) « pour son estraine ».
Le martyrologe obituaire de l’abbaye Saint-Julien de Tours fixe d’une manière précise l’époque de la mort de Jehan Gillebert au 28 août 1467. Nous devons ce renseignement au legs fait par cet orfèvre du roi, d’une belle custode du poids de 8 marcs, 4 onces, 2 gros, à cette abbaye en face de laquelle il avait son hôtel, proche de celui de Jehan de Beaune [Registre des comptes municipaux t. XXXVI, f. 65]. »

Sur la vie et la carrière de Hans Havenar, voir Bernard Chevalier, Tours ville royale 1356-1520, Paris , Louvain , 1975, p. 271 : dans le chapitre « Louis XI au Plessis », s.-ch. « Orfèvres et brodeurs » : alors que les orfèvres autochtones sont de petits artisans modestes, « ceux qui s’imposent et les dépassent largement, sont les étrangers fixés en ville parce qu’attachés à l’hôtel du roi ou de la reine. Gilbert Jehan [i.e. Jehan Gilbert], le premier de tous, gendre du procureur du roi, Colas Dreux, domicilié rue Traversaine, bienfaiteur de Saint-Julien et de la confrérie de Saint-Éloi, dont il relève la chapelle en 1446, était peut-être venu d’Allemagne ; en tout cas il maria sa fille Jeanne à Hans Havenar, cranequinier allemand de la garde qui mourut bourgeois de Tours » [Réf. B.Ch. : en 1445, Jean Gilbert travaille déjà à Tours [B. Chevalier, ibid. p. 242] ; sur l’homme et son œuvre, cf. BnF ms. fr. 32511, f. 87, 153, 220 ; ms. fr 10371, étrennes 1452, passim ; A.N. KK 51 et 55, passim ; M.S.A.T., t. XXIII, Obituaire de Saint-Julien p. 304.]
Sur Pierre Beaudieu, tailleur du roi, cf. Bernard Chevalier, ibid. p. 272.







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