
Les entrées royales à Amboise (1461-1559)
Sujet privilégié des débats sur la puissance monarchique et son système communicationnel, les entrées royales font l’objet d’une documentation particulièrement riche1. Si les entrées de Tours et des villes du Centre-Ouest2 sont connues, la ville d’Amboise est restée relativement en dehors de ces études et ce malgré son statut de résidence royale et un corpus de sources d’une grande richesse. Une dizaine d’entrées est, en effet, renseignée dans les archives. Les mieux connues sont celles de Marguerite d’Autriche le 22 juin 14833, Anne de Bretagne le 2 décembre 15004, Éléonore d’Autriche le 5 septembre 15305, Henri II le 16 avril 15516 ou encore François II et Marie Stuart le 29 septembre 15597. Ces entrées sont documentées grâce aux registres de comptes de la ville conservés aux archives municipales d’Amboise (séries AA et CC).
Cérémonie par laquelle une ville reçoit les souverains et leur témoigne sa fidélité, l’entrée répond à un décorum relativement fixe. À Amboise, l’accueil des hôtes se fait en dehors de la ville. Accueillis par l’ensemble du corps de ville, ils sont placés sur une estrade et sous un dais. Aussi appelés poêles, ce sont des éléments incontournables et symboliques des entrées. Il s’agit de tentures, souvent en étoffes précieuses, qui étaient tendues sur un châssis soutenu par des montants. À Amboise, ils sont à franges réalisées en soie et damas de différentes couleurs. Ils étaient donc chamarrés et élaborés. En 1500, la ville confectionne deux dais, l’un pour la reine et l’autre pour le roi bien qu’il ne fit finalement jamais sans entrée dans la ville. Pour les confectionner, la ville achète 5 aunes et demie de damas rouge pour le dais du roi et 4 aunes et demie de damas blanc pour celui de la reine mais aussi 2 livres et demi de soie blanche et violette. Les deux poêles sont frangés de soie rouge et jaune et sont maintenus aux bâtons qui permettent de les porter par des liens blancs et rouges8. En 1551, les poêles allient de la soie tissée avec des fils d’or et d’argent pour les franges, ainsi que de la toile d’or et d’argent, du taffetas vert et blanc, du satin vert, du damas noir et blanc et du bougran vert et noir pour le corps de la tenture9. Le blanc semble être privilégié pour les dais des reines comme pour Anne de Bretagne en 1500 ou pour Éléonore d’Autriche10 30 ans plus tard. Ces éléments coûtent chers à la ville surtout quand, comme lorsqu’en 1559, la réalisation en est confiée à Claude Duluc, brodeur de Catherine de Médicis, qui les réalise en velours, soies, damas et étoffes d’or, et qu’ils sont attachés à six bâtons cerclés de fer par des rubans blancs et noirs. La ville débourse alors plus de 295 l.11, soit plus de la moitié du budget total de l’entrée, qui selon le compte qui lui est dédié atteignit les 535 l12. Cela témoigne du soin tout particulier qu’on leur accorde. Une fois sous leur dais, ils assistent alors au défilé urbain. Pour l’occasion, la ville fait réaliser des enseignes comme en 155113. Si l’entrée a lieu en soirée, le cortège urbain se dote de nombreuses torches comme en 149614. Treize sont mentionnées en plus des enseignes la même année. Les hôtes se voient ensuite remettre les clefs de la ville, nettoyées pour l’occasion15, au moment de franchir les remparts avant d’entamer sa procession dans la ville.