Au tournant des XVe et XVIe siècles, la gestion du bien commun dans les villes évolue. Les anciens systèmes d’élus sont remplacés par des municipalités, véritables administrations urbaines avec un maire et des échevins (magistrats communaux élus), appelées aussi « corps de ville ». Ces nouvelles communautés reposent sur un accord de gouvernement avec l’autorité royale qui, au sortir de la guerre de Cent Ans comme encore sous François Ier, connaît de premières formes de centralisation, mais n’est pas en mesure d’administrer seule le pays.
C’est ainsi que se trouvent redéfinis les rapports entre la ville et le roi : un dialogue étroit et une négociation permanente conduisent le souverain à adresser à la communauté urbaine des privilèges et droits nouveaux.
Le gouvernement urbain et la délibération municipale obéissent à des règles administratives, institutionnelles et juridiques, et la police de la ville est confiée désormais à une autorité reconnue, dont les compétences sont mieux établies.
De véritables politiques urbaines, qui dépassent le cadre des anciens droits et libertés reçus par les communautés depuis le XIIIe siècle, se développent alors et traduisent l’émergence d’une identité urbaine forte.
Création de structures hospitalières, politique d’adduction d’eau voire d’embellissement de la ville, politique scolaire, agrandissements… autant d’actions qui révèlent des formes nouvelles de prise en main du bien commun.
Dans le même temps, se multiplient les marqueurs culturels de la communauté, tant à travers la monumentalité (hôtels de ville) que dans les représentations figurées ou le développement d’une véritable mythologie urbaine. Ces corps de ville offrent également des trésors d’archives, désormais organisés et classés, mémoires d’une communauté, de sa politique, mais aussi outils de gouvernement pour établir des droits ou une reconnaissance.
Les jetons de maire sont des objets numismatiques en laiton frappés aux armes de la ville et du maire de l’année concernée. Leur facture peut varier selon les municipalités, et illustrer par exemple de grands événements municipaux. Selon l’arrêt de 1584, ils sont distribués à Tours à ceux qui assistent à la réddition des comptes annuels de la municipalité. S’ils servent d’abord à la comptabilité municipale (pour mener additions, soustractions comme multiplications), ils deviennent rapidement des symboles de reconnaissance, des témoignages de gratification, voire des formes de rétribution. Les jetons personnels sont liés aux fonctions politiques de certains grands personnages souvent amenés à manier des sommes importantes.
Lettres patentes – Février 1493 (n. s.)
Charles VIII, Brulart et Thomas Bohier, notaires et secrétaires du roi
Parchemin, 57 × 63 cm
Tours, Archives municipales – CC 1
Blois : vue de la ville prise du faubourg de Vienne, anonyme, v. 1580
Civitates orbis terrarum (le Livre des villes>), v. 1580
Blois, Archives Départementales du Loir-et-Cher – 33 FI 518
Cette vue représente la ville de Blois depuis le haut du coteau surplombant le faubourg dit de Vienne qui s’étend au sud de la ville sur la rive gauche de la Loire. Ce plan donne à voir l’espace intramuros de Blois et l’étendue de son principal faubourg tels qu’ils étaient à la fin du xvie siècle. Les auteurs y ont reproduit le pont qui enjambe la Loire, les berges, l’enceinte urbaine et ses principaux dispositifs défensifs (portes, ponts-levis, tours, etc.), les principaux lieux de pouvoirs (le château et l’hôtel de ville), les édifices religieux (églises, couvents et abbayes), les dispositifs municipaux (greniers, fontaines et prisons), ainsi que l’enchevêtrement des rues. Cette vue s’inscrit dans un paysage bucolique au premier plan duquel, à gauche, se promène un couple de bourgeois, et, à droite, est insérée la légende dans un cadre stylisé. Dans le ciel, au-dessus de l’horizon septentrional, sont représentées les armoiries royales, à gauche, et d’autres non identifiées, à droite.
Vue de Bourges : Pourtraict de la ville de Bourges, Balthazar Arnoullet ou Jean Arnault, 1565 gravure extraite de Jean Chaumeau, Histoire du Berry contenant l’origine, antiquité, geste, prouesse, privilèges et libertés des berruyers avec particulier description dudit pais, Lyon, 1566, p. 227
Vue de profil insérée dans un cartouche ovale, réalisée depuis l’ouest de la ville. Une légende présente un état précis des principaux lieux de la cité. Autour de la figure se trouvent différentes armoiries. En haut, celles du royaume et du duché. En dessous à leur droite, pendantes, celles de Bourges (trois moutons). Pendent en haut à gauche les armes attribuées à la ville sous l’empire romain (une croix sur un croissant, le plan d’une tour et deux moutons se tournant le dos), accompagnées d’une devise qui souligne les vertus guerrières des Berruyers (« Gestabant cataphracti Biturigenses »). L’auteur, dont on n’a ici que les initiales (AR), peut être Balthazar Arnoullet, imprimeur de Lyon (ce qui expliquerait certaines imprécisions du dessin) ou plus certainement Jean Arnault, mentionné comme peintre ou graveur à Bourges dans les années 1560-1565.
Lettres patentes – 20 septembre 1569 Charles IX et Brulart, notaire et secrétaire du roi
Parchemin, 54 × 26,5 cm Tours, Archives Municipales – AA 2
Rétablissement par le roi du corps de ville de Tours au même nombre de personnes dont il était composé avant sa réduction imposée par le règlement prévisionnel de Blois du 13 décembre 1565, dont le maire et ses échevins s’étaient plaints au conseil royal.
Sceau de la ville de Tours Acte du 4 décembre 1499
Parchemin, 31,8 × 31,5 cm Tours, Archives Municipales – BB 1
Confirmation par François Briçonnet, receveur général des finances du roi et maire de Tours, de la nomination par l’assemblée des habitants de la ville de Gilles Desquartes comme receveur en charge de la gestion des deniers communs pour l’année 1499-1500.
Lettres patentes – Février 1493 (n. s.) Charles VIII, Brulart et Thomas Bohier, notaires et secrétaires du roi
Parchemin, 57 × 63 cm Tours, Archives municipales – CC 1
Exemption perpétuelle du payement de plusieurs impôts ordinaires et taxes commerciales accordée par le roi à tous les habitants demeurant dans l’enceinte de la ville de Tours, à l’instar de la ville d’Amboise, en raison de l’implantation des rois en Touraine depuis Louis xi, en souvenir de son enfance dans la région et en récompense des accueils lors des entrées solennelles du couple royal.
Fontaine du Carroi de Beaune, anciennement appelée Fontaine du Grand Marché, à Tours, Karl Girardet, XIXe siècle, gravure extraite de Jean-Jacques Bourassé (dir.) La Touraine, histoire et monuments, Mame, Tours, 1856, p. 84
Symboles monumentaux de la politique municipale d’aménagement et d’embellissement, les fontaines de Tours et le réseau d’adduction d’eau sont conçus et réalisés entre 1507 et 1512. Les fontaines sont situées sur les cinq principales places de la ville. Elles présentent les armoiries royales. Leurs matériaux viennent en partie d’Italie et leur décor marque l’introduction du style de la Renaissance en Val de Loire.
Vue de l’hôtel des Créneaux, ancien hôtel de ville, à Orléans, Charles Pensée, 1837 aquarelle, crayon graphite, rehauts de gouache sur papier, 57 × 44 cm Orléans, Musée des Beaux-Arts – n° inv. : 942
Cet hôtel de ville bâti entre 1503 et 1513 montre comment l’identité communale s’incarne dans la monumentalité. Il intègre aux ornementations gothiques le vocabulaire de la Renaissance, à l’instar des hôtels de ville d’Amboise (1501-1505), d’Angers ou de celui des Échevins à Bourges (1489-1490). Lieux de délibération et de décision, ces bâtiments, parfois richement décorés, témoignent de l’autorité des communautés civiles sur la police de la ville.
Jeton personnel d’Antoine Bohier, conseiller du roi – ap. 1544
Cuivre, Ø 2,6 cm Société Archéologique de Touraine – JT 214
Droit : Croisette ANTHOINE.BOHIER.CHER.SR DE CHESNAYE. Au centre, armes des Bohier d’or au lion d’azur surmontées d’un lambel à 3 pendants de gueules, le tout dans un plurilobe. Revers : Croisette CONSEILLER.DU.ROY.ET.GNAL.DE.FRANCE. Au centre, dragon contourné et couronné.