Les archives sont trompeuses : il faut distinguer ce qui a été conservé (souvent, il s’agit de la correspondance la plus remarquable) et ce qui a été écrit, mais ne nous est pas forcément parvenu (la correspondance ordinaire). Toutefois, les dépôts d’archives regorgent de documents qui nous permettent d’apprécier la quantité et la variété des interlocuteurs épistolaires de la ville.
Les villes communiquent aussi beaucoup entre elles : Tours, Orléans et Saumur entretiennent une relation épistolaire, en particulier pour échanger des informations en périodes de conflits. Mais elles correspondent également avec différentes institutions parisiennes : le prévôt des marchands, le Parlement et les différents avocats qui y portent leurs causes.
L’affaire est d’importance, car il s’agit de préserver une véritable mémoire urbaine pour justifier les droits de la ville, établir son autorité, comme aussi conserver le souvenir de certaines pratiques.
La famille royale (le frère du roi, la reine‑mère) occupe une place à part, mais les grands officiers de la couronne comptent parmi les principaux destinataires de la correspondance du corps de ville : titulaires d’un office (c’est-à-dire d’une délégation de pouvoir octroyée par le roi), ils représentent le souverain et jouent le rôle d’intermédiaires. Il faut ajouter ceux qu’on appelle « les Grands », les nobles et particulièrement ceux qui étaient issus des lignages les plus prestigieux (Louis et François de Bourbon, ducs de Montpensier, la princesse de Conti, etc.).
Enfin, les particuliers écrivent aussi à la ville. À Tours, nous avons la chance d’avoir conservé une lettre que Pierre de Ronsard écrit au maire. L’abbé de Saint‑Cosme se plaint d’un certain Fortin, teinturier de son état, dont les activités souillent la Choisille, rivière qui borde le prieuré. La missive est l’occasion d’une belle réflexion sur « l’utilité publique » : le poète reproche au marchand-teinturier d’avoir usurpé des terres dans le seul but d’augmenter son profit.
Lettre – 1563
Jean Bourreau et Olivier Tafforeau,
imprimeurs à Tours
Papier, 19,5 × 30,5 cm
Tours, Archives Municipales – EE 4
La correspondance des villes (celle qu’elle reçoit comme celle qu’elle adresse) s’inscrit dans un système de communication qui permet la diffusion des informations, en même temps qu’il représente et met en scène les pouvoirs.
Les échanges épistolaires témoignent de la nature de la monarchie française qui, loin d’anticiper les pratiques absolutistes qu’elle connaîtra plus tard, gouverne par le dialogue et la négociation avec les différents groupes sociaux et politiques, et en particulier avec les communautés urbaines.
Divers lieux ou occasions favorisent le développement de ce système :
Louis de Bourbon duc de Monpensier (1513-1582), Thierry Bellange, xviie siècle mine de plomb, rehauts d’or, sanguine, vélin (parchemin), 13 × 11 cm Pau, musée national du château – P.78.9.1.9
Louis de Bourbon, duc de Montpensier (1513-1582), neveu du connétable de Bourbon, joua un rôle important dans les guerres contre Charles Quint. Pendant les guerres de religion, il combat les protestants et devient gouverneur de Bretagne.
Portrait de Ronsard, anonyme, xviie siècle huile sur toile, 50 × 48,9 × 53,8 cm Blois, musée des Beaux-Arts, collection Château de Beauregard – no inv. : 861.26.1
Lorsqu’il obtient la commende du prieuré de Saint-Cosme en 1565, Pierre de Ronsard (1524-1585) a derrière lui une belle carrière d’humaniste et de poète. En tant que prieur d’une communauté religieuse qui suit la règle de saint Augustin, il s’occupe de la vie matérielle, sociale et économique de Saint-Cosme, tout en travaillant à son œuvre.
Lettre – 17 juillet 1568 Pierre Ronsard, abbé de Saint-Côme et poète
Papier, 20,5 × 30 cm Tours, Archives Municipales – AA 10, p. 22
Requête formulée par Ronsard au maire de Tours pour trouver audience auprès du corps de ville afin de pouvoir présenter des documents contre l’installation au pont de La Mothe, sur la Choisille et sur les terres du prieuré de Saint-Côme, de la teinturerie d’un nommé Fortin, contre lequel il est actuellement en procès. Avec causticité et ironie, Ronsard met en doute la légalité de son installation et l’utilité publique de son activité.
Ordonnance imprimée – 21 août 1562 Paul Chabot, seigneur de Clervaux, lieutenant général et gouverneur de Tours, Étienne Joubert, archer du roi
Papier, 19,8 × 30,5 cm Tours, Archives Municipales – EE 4
Interdiction publiée et criée à la population par Étienne Joubert, archer du roi, au nom du prévôt des maréchaux de Touraine, et Lyonnet de La Flèche, trompette public, faite à toute personne d’entrer dans les maisons de Tours, qu’elles appartiennent à des catholiques comme à des protestants, pour en prendre les meubles ou les armes, sauf pour les officiers et serviteurs royaux qui auront la permission d’y enquêter.
Lettre – 18 mai 1610 Bonneau, Bourneau, Adam Lebeuf et Lendeau, maire et échevins de Saumur
Papier, 23 × 35,5 cm Tours, Archives Municipales – AA 2
Réponse à la lettre du 16 mai 1610 dans laquelle le corps de ville de Tours annonçait la mort d’Henri iv à la ville de Saumur qui l’en remercie et qui lui promet en retour la transmission de toute information complémentaire relative à la régence de la reine et à la proclamation du Dauphin, futur Louis xiii, comme nouveau roi de France.
Lettre – 18 mai 1610 Lebreton, maire d’Orléans
Papier, 21,5 × 33,5 cm Tours, Archives Municipales – AA 2
Lettre adressée au corps de ville de Tours l’informant du serment de fidélité au roi et de la reconnaissance du Dauphin comme successeur à la Couronne faits par le corps de ville d’Orléans en assemblée commune devant monsieur de La Chastre, maréchal de France et gouverneur de l’Orléanais, pour garantir la stabilité du royaume suite au récent assassinat d’Henri iv.
Lettre – 1563 Jean Bourreau et Olivier Tafforeau, imprimeurs à Tours
Papier, 19,5 × 30,5 cm Tours, Archives Municipales – EE 4
Copie, extraite des registres de délibérations de la ville de Tours, d’une lettre dans laquelle les imprimeurs réclament au corps de ville la somme de 6 l.t. qui leur est due pour l’impression de l’ordonnance de pacification des troubles religieux émise le 21 décembre 1563 par François Le Roy, seigneur de Chavigny, lieutenant général de Touraine, et pour leur accrochage aux carrefours de la ville et de ses faubourgs.
Jeton personnel d’Antoine Bohier, conseiller du roi – ap. 1544
Cuivre, Ø 2,6 cm Société Archéologique de Touraine – JT 214
Droit : Croisette ANTHOINE.BOHIER.CHER.SR DE CHESNAYE. Au centre, armes des Bohier d’or au lion d’azur surmontées d’un lambel à 3 pendants de gueules, le tout dans un plurilobe. Revers : Croisette CONSEILLER.DU.ROY.ET.GNAL.DE.FRANCE. Au centre, dragon contourné et couronné.